Appel à l’unité socialiste (1897)

1897. En ces années-là, comme l’écrit Rappoport, le peuple disait aux socialistes : Avant de tenter de réorganiser le monde, essayez de vous organiser vous-mêmes. Jaurès sent que les socialistes, s’ils cessent d’être éparpillés en une infinité de groupements, peuvent devenir une force politique majeure. Il oeuvre donc pour l’unité tout en défendant, au sein de ce parti en cours d’unification, sa propre conception, que Rappoport synthétise ainsi : un socialisme démocratique, républicain et laïque, se réalisant par l’action réformatrice organique, sous la haute inspiration de l’idéal socialiste intégral

En 1897, donc, Jaurès publie un appel à l’Unité :

Voici l’œuvre immédiate qui s’impose à nous. Il faut d’abord préparer l’unité du Parti socialiste français. Il ne s’agit point d’une unité despotique et morte : les diverses organisations socialistes peuvent et doivent subsister, mais il faut qu’elles puissent toujours se concerter et délibérer cordialement pour l’action commune.

En fait, ce résultat est beaucoup plus près d’être atteint que ne l’imaginent nos ennemis. Tous, collectivistes ou communistes, ont le même idéal social. Il est vrai qu’il se produit des divergences sur la tactique, sur la méthode de combat. Mais elles ne sont pas irréductibles, et d’ailleurs est-ce que tout récemment encore, le Parti socialiste belge, malgré les tendances contraires de ceux qui acceptaient les alliances électorales avec les radicaux démocrates et de ceux qui les repoussaient, ne nous a pas donné l’admirable et encourageant exemple de sa concorde, de son esprit vraiment fraternel ? De même, il n’importe que parmi nous les uns croient davantage à l’efficacité du suffrage universel, les autres à la nécessité de l’action révolutionnaire ! Il n’est personne parmi nous qui se refuse à la bataille électorale, et il n’est personne aussi qui entende barrer la route aux poussées imprévues de l’histoire et enfermer le socialisme dans l’urne du scrutin. La substitution de la propriété sociale à la propriété capitaliste est une révolution économique trop profonde, elle met en jeu trop de passions contraires, trop d’espérances et trop de craintes pour qu’il soit permis à personne de tracer d’avance avec certitude la route par où passera le prolétariat.

L’essentiel, c’est que chacun soit résolu à tirer parti de toutes les forces, politiques et économiques, qui peuvent préparer l’ordre nouveau. L’essentiel est que nul ne se grise de sa propre action ; tous ceux qui travaillent à l’organisation économique, tous ceux qui fondent, gèrent, développent des syndicats ou des coopératives, tous ceux qui répondent à l’appel des travailleurs en lutte, tous ceux qui arrachent au capital un lambeau du pouvoir municipal et du pouvoir législatif, tous ceux qui dans la bataille parlementaire portent des coups et déploient le drapeau dans l’enceinte même où l’ennemi forge ses armes, tous ceux-là sont les soldats de la même armée, les combattants du même combat, les frères de la même espérance.

Et la force des choses, le groupement même de nos adversaires, la persécution capitaliste également acharnée contre les partis politiques et les groupes économiques, contre la Verrerie Ouvrière au Midi, contre le prolétariat roubaisien au Nord, tout nous amènera peu à peu à cette unité socialiste qui décuplera l’action de notre parti. 

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